LE DÉPARTEMENT DE VALLE DEL CAUCA

SANTIAGO DE CALI, TULUÁ, GUADALAJARA DE BUGA

BUENAVENTURA, CANGREJO , LADRILLEROS

JUANCHACO, LA BOCANA

Le département de Valle del Cauca a fait partie du département de Cauca jusqu'en 1863, alors qu'à cette date il s'en sépara pour former sa propre capitale, Santiago de Cali. Situé au centre ouest de la Colombie et s'étendant sur 22 140 km2, le Valle del Cauca, avec une population de 3 500 000 habitants, est reconnu pour sa fertilité et son climat varié. C'est, en fait, le jardin de la Colombie traversé par le río Cauca d'où il tire son nom. Bordé au nord par les départements du Chocó, de Risaralda et de Quindío, et au sud par les départements de Cauca et de Huila, le Valle del Cauca est limité à l'est par Tolima et Quindío, et à l'ouest par le Chocó et par l'océan Pacifique. C'est donc une région de contrastes géographiques puisqu'on y trouve deux chaînes de montagnes avec des pics enneigés : les cordillères Centrale et Occidentale –, de même que l'océan Pacifique, avec son climat torride et humide, qui favorise la végétation de forêt vierge sur son rivage. On y compte 41 municipalités. Il est recommandé de s'informer auprès des organismes de tourisme, des agences de voyages ou même de la réception des hôtels avant de partir à l'aventure, puisqu'on y signale la présence de guérilleros dans les montagnes environnantes.

Ce guide ne s'attardera qu'à Santiago de Cali, Tuluá, Guadalajara de Buga et Buenaventura, villes que l'on peut visiter seul sans problème.

Santiago de Cali

Cali est la ville des femmes. Des belles femmes. Cette affirmation apparaît dans toute la littérature publicitaire consultée et, malgré les hauts cris éventuels des féministes, il faut bien admettre l'évidence : c'est vrai! Et si les Colombiennes sont en général remarquables, les Caleñas les surpassent toutes.

Cali donc est une "belle femme". La ville, en effet, s'allonge langoureuse entre les jambes béantes que forment les cordillères Centrale et Occidentale en profitant outrageusement du climat ensoleillé, tout en dévoilant ses charmes plantureux : ses édifices coloniaux et modernes, ses longues avenues ombragées et ses terrasses fleuries où traîne une faune bigarrée à la recherche du plaisir de vivre. Puis, Cali se lance dans une salsa provocante qui ne finira qu'aux petites heures du matin.

Si Bogotá se compare à New York, Cali, sans jeu de mots et sans exagération, est la Californie de la Colombie : on y trouve, en effet, le même climat, le même paysage grandiose, la même atmosphère insolite, la même nonchalance étudiée des gens, la même passion pour la chose artistique, notamment la musique, la même folie douce qui règne aux terrasses des restaurants et dans les bars, la même recherche d'originalité et de démarcation et, assurément, la même philosophie, insouciante mais structurée, qui a fait de la Californie la place branchée par excellence aux États-Unis depuis si longtemps. En Colombie, c'est Cali qui tient ce rôle!

Un peu d'histoire

Santiago de Cali, puisqu'il faut l'appeler par son nom, s'étend sur plus de 560 km2 et jouit d'un climat uniforme qui oscille entre 23 oC et 25 oC. Fondée le 25 juillet 1536 par Sebastián de Belalcázar, un lieutenant de Francisco Pizarro, deux ans avant même la fondation de Bogotá, Cali a immédiatement connu un fort développement pour l'époque, à cause de la fertilité du sol de la région et de la canne à sucre qui y pousse comme de la mauvaise herbe. Des esclaves noirs y furent donc importés de Cartagena de Indias pour travailler à cette récolte. Aujourd'hui la population caleña en est encore imprégnée, présentant une proportion assez visible de Métis. Avec près de 2 millions d'habitants, Cali est la seconde ville en importance de Colombie après Bogotá.

Cali aujourd'hui

Capitale internationale de la salsa, Santiago de Cali est une belle ville européenne dans sa manière de vivre, dans sa culture, dans sa gastronomie, dans le respect de son passé glorieux et surtout dans sa vision de l'avenir. Elle présente encore beaucoup de vestiges de son histoire coloniale en même temps qu'une architecture moderne en accord avec son développement et ses aspirations. Cali s'apprête en effet à affronter le prochain millénaire avec beaucoup d'enthousiasme, notamment avec la construction prochaine de son métro, qui devrait être en service dès le début de l'an 2000.

La salsa

La musique afro-antillaise est apparue en Amérique, dès le début de la découverte au XVIe siècle, avec l'arrivée massive d'esclaves noirs provenant de l'Afrique. Elle racontait de façon simpliste et syncopée le drame quotidien de l'esclavage et s'accompagnait d'instruments de percussion africains ou confectionnés grossièrement, dans les cales des bateaux, avec des matériaux rudimentaires, ou encore déjà utilisés chez les indigènes. Elle s'est répandue dans toutes les îles des Caraïbes et même dans le sud des États-Unis, en s'inspirant à plusieurs sources et suivant diverses tendances. Aucune documentation précise n'existe pour témoigner de ce phénomène, mais on sait que la salsa – qui se traduit par "sauce" –, n'est qu'une épopée de cette grande fresque musicale, au même titre que le Latin jazz. Elle serait une évolution ou un amalgame de genres différents comme le son, la guajira, le guaguancó, le danzón, la conga, la guaracha, le mambo, le bolero, la rumba et le cha-cha-cha. Ils sont des rythmes et des musiques nés dans les ruelles de La Havane à Cuba ou de San Juan à Puerto Rico ou dans leurs faubourgs, tous des airs qui connurent la gloire aux États-Unis dès le début des années vingt, à la Nouvelle-Orléans par exemple. En effet, plusieurs musiciens américains de l'époque voyageaient souvent à Cuba, notamment au cours des années de la Prohibition – établie en 1919 par la loi Volstaedt, et abolie en 1933 –, pour jouer dans les salles de spectacles et les bars de La Havane. Ils en ramenèrent une influence certaine, et Dizzy Gillespie, entre autres, s'en inspira beaucoup dans le be-bop.

La salsa aux États-Unis

Si la salsa s'est inspirée des rythmes cubains, elle est pourtant née à New York vers les années soixante. En effet, avant la victoire de Fidel Castro sur la dictature de Fulgencio Batistá à Cuba en 1959, plusieurs Cubains avaient déjà quitté l'île pour trouver refuge aux États-Unis, notamment en Floride et à New York. D'autre part, les quartiers pauvres de New York avaient été précédemment envahis par un très fort mouvement continu d'émigrants provenant de Puerto Rico, une colonie espagnole qui passa aux mains des États-Unis en 1898. En quelques années, New York se retrouva avec la plus importante colonie latino-américaine en Amérique du Nord. Rien d'étonnant qu'une musique typique, qu'un rythme nouveau, qu'une danse sensuelle, qu'une mode incontournable naisse d'une telle concentration, en mêlant les influences des deux pays d'origine avec celles en vogue alors dans la métropole américaine : le jazz, le rythm & blues et les débuts du rock n'roll.

La pachanga, dérivant de l'essoufflement du cha-cha-cha, fit bientôt son apparition à la fin des années cinquante et, au début des années soixante, quelques variations du son connaissent une popularité américaine. Mais la rupture des relations diplomatiques des États-Unis avec Cuba coupe abruptement le cordon ombilical des musiciens latinos d'Amérique avec leur principale source d'inspiration. Ils s'identifient désormais aux musiciens noirs et le mélange – ou la sauce – qui résulte du brassage surchauffé de la musique latine, de la musique soul et du rock n'roll naissant donne le bugalú (le boogaloo), d'où surgira la salsa, notamment inspirée par des musiciens comme Tito Puente (Oye! como va?, une chanson reprise plus tard par Carlos Santana dans les années soixante-dix). Cette musique, caractérisée par l'utilisation d'instruments de percussion dont la batterie, les congas, la cloche et les timbales (du mot arabo-persan atabal, qui signifie "tambour"), et rehaussée par des instruments à vent comme le trombone et la trompette, conquit facilement le monde. Surtout à la suite de la diffusion du film Salsa en 1973, qui mettait en vedette le groupe Fania All Stars, interprétant les pièces de musique du microsillon intitulé Hommy, enregistré en 1972, en réponse à l'opéra-rock Tommy, du groupe anglais The Who. Aujourd'hui, la salsa revit partout dans le monde, abâtardie par la musique disco, diront les puristes. Elle fait cependant la conquête d'une nouvelle jeunesse, sous l'influence notamment du Miami Sound Machine, et de sa soliste Gloria Estefán, qui propose une salsa énergique. Peut-être moins connu mais plus authentique, le salsero Yuri Buenaventura – de son vrai nom Yuri Bedova –, un fils de pêcheur de Buenaventura, d'où il a pris son nom de scène, a récemment fait une tournée sur la scène internationale pour promouvoir son disque Herencia Africa (Héritage d'Afrique), enregistré à Bogotá, qui rend hommage à la population noire du littoral pacifique de la Colombie. On y trouve une interprétation assez originale de la chanson Ne me quitte pas de Jacques Brel qui a fait sensation en Europe.

La salsa en Colombie

Même si la musique des Antilles avait déjà atteint la Colombie au début des années trente, la salsa ne s'y est imposée qu'à la suite d'une série de concerts donnés par le groupe de Richie Ray et Bobby Cruz au mois de février 1968 à Barranquilla. Au mois de décembre de la même année, le groupe fait aussi la conquête de Cali et des environs, notamment de Buenaventura, où se trouve la plus forte concentration de population noire et mulâtre du pays. Puis, la salsa s'installe définitivement en Colombie, après avoir difficilement vaincu les réticences de Medellín et de Bogotá, qui la trouvent vulgaire au début, alors que le plus grand des salseros originaire de Cartagena, Joe Arroyo, 14 fois vainqueur du trophée Congo au Carnaval de Barranquilla, présente un concert à Bogotá à l'occasion de ses 25 ans de scène. Même si, aujourd'hui, Baranquilla revendique le titre de capitale de la salsa, les musiciens et les aficionados lui préfèrent Cali, puisque les belles Caleñas, aux jambes longues et nues, s'y prêtent avec tant de chaleur.

Cali aujourd'hui est l'image même du progrès et du succès. La dépollution du río Cali qui la traverse, la modernisation de son administration, la revalorisation de son économie et de sa construction, et les programmes de développement sociaux sont des défis que les Caleños devront affrontés s'ils veulent maintenir leur niveau de croissance actuel et la qualité de vie qu'ils se sont donnée.

Malgré la présence des cartels de la drogue et la menace des guérilleros que l'on prétend tout près dans les montagnes environnantes, Cali est la ville la plus agréable de Colombie, à cause de son climat bien entendu, mais surtout à cause de l'atmosphère européenne qui se dégage de ses avenues, de ses parcs et de ses terrasses de bars et de restaurants. À cause aussi de l'accueil décontracté des Caleños. On peut visiter tous les attraits touristiques de Santiago de Cali à pied au centre-ville ou en périphérie. Inutile de prendre l'autobus donc, y compris pour la Zona Rosa qui, ici, est plus une ruta rosa puisque la zone s'étend sur une seule avenue, l'Avenida Sexta Norte (6n).

La Torre Mudejar est l'une des constructions les plus représentatives de l'art mudéjare en Amérique du Sud. Construit en 1772 comme ajout à l'église de San Francisco, ce clocher est encore aussi impressionnant aujourd'hui qu'il l'était à l'époque alors que, érigé en brique rouge et s'élevant, carré, sur quatre étages et sur plus de 30 m de hauteur, il servait à regrouper ou à alerter les Caleños à l'aide de son carillon.

La Torre Mudejar est l'une des constructions les plus représentatives de l'art mudéjare en Amérique.

Le Parque de la Poesia pour sa part (Av. Colombia, angle Calle 12) est un parc minuscule où l'on peut admirer une dizaine de bronzes, réalistes, grandeur nature, de poètes et de philosophes, dans des attitudes de discussion entre eux et, pourquoi pas, avec les passants.

Des bronzes, réalistes, grandeur nature, de poètes et de philosophes, dans des attitudes de discussion entre eux et, pourquoi pas avec les piétons, au Parque de la Poesia, au centre-ville de Cali.

Détail des statues du Parque de la Poesia.

La location d'une voiture à Cali

La circulation est ridiculement congestionnée aux heures de pointe à Cali, et reste dense tout au long de la journée. Il est donc préférable de louer une voiture pour une balade à l'extérieur de la ville, pour visiter les autres villes du département. Par exemple, en direction de Buenaventura, les paysages sont mémorables. En effet, l'Autopista Cali-Buenaventura traverse la cordillère Occidentale au complet, d'est en ouest, et serpente de bas en haut et à flanc de montagnes sur environ 125 km tout en traversant six tunnels. Il faut redoubler de prudence avant d'effectuer une manœuvre de dépassement, car la circulation y est lente à cause des camions qui doivent gravir des pentes abruptes.

Tuluá

Tuluá est une petite ville comme on en trouve partout dans le monde. Traversée par une autopista achalandée, elle offre un paysage empoussiéré de stations-service et de garages, pour la réparation des autos et des camions, qui n'en finissent plus d'y défiler. On y trouve aussi des restaurants et des hôtels qui s'annoncent avec ostentation. Mais ce n'est qu'un mirage. Tuluá est aussi une petite ville agréable et paisible que l'on découvre tranquillement en déambulant dans ses rues.

Un peu d'histoire

Située à 105 km au nord de Cali et au centre du département, Tuluá ne se souvient pas exactement de la date de sa fondation. En effet, aucun acte législatif n'en rapporte la preuve formelle. Alors, les historiens ont adopté l'année 1639 comme date de référence, parce qu'ils ont découvert, dans les archives historiques de Guadalajara de Buga, une lettre signée par Don Juan de Lemus y Aguirre, un riche propriétaire terrien qui réclamait la permission d'ouvrir un chemin pour traverser ses terres comprises entre le río Tuluá et le río Morales. Ceux qui accompagnaient le Señor Lemus y Aguirre dans son aventure sont considérés, depuis la découverte de cette lettre, comme les premiers fondateurs de Tuluá, qui a vu le jour sur les rives du fleuve qui porte son nom. Tuluá a été reconnue comme municipalité en 1872.

Tuluá aujourd'hui

Malgré les premières impressions, Tuluá se révèle une petite ville charmante quand on y séjourne. Avec une population de près de 130 000 habitants, et sans attraits touristiques particuliers, elle comporte cependant des parcs, une Plaza Bolívar ombragée (angle Calle 27 et Carrera 27), un centre-ville hétéroclite, un marché coloré (entre les Carreras 22 et 23 et les Calles 27 et 28), où abondent les légumes – notamment la pomme de terre – et les fruits récoltés dans les champs environnants. On y trouve aussi des terrasses sympathiques et des restaurants superbes.

Les frites

Si la Belgique est renommée pour ses frites, alors que les Italiens les consomment froides, en salade, il ne faut pas oublier qu'on les dégustait en Colombie bien longtemps avant l'arrivée de Christophe Colomb, selon toute vraisemblance. En effet, les indigènes de Colombie possédaient tous les ingrédients pour confectionner de bonnes frites – les pommes de terre, l'huile de maïs et le sel –, et ils connaissaient l'art de la friture, notamment sur le bord de la mer, où ils dégustaient déjà le poisson frit. Pour ce qui est de la pomme de terre originaire des Andes, elle ne fut importée en Europe par les Espagnols qu'en 1534. Ce n'est que 200 ans plus tard qu'elle fit son apparition en France, introduite par l'agronome Antoine Augustin Parmentier, qui la cultiva aux Sablons à Neuilly, sous l'ordonnance de Louis XVI, et avec laquelle il jugula la famine qui ravageait le pays. En Colombie, on trouvera de bonnes frites partout mais, comme ailleurs, elles sont mieux réussies dans certains établissements que dans d'autres.

Les frites colombiennes

Voici une recette de frites qui, sans prétendre faire partie du folklore colombien, a tout de même été concoctée là-bas. Lavez vigoureusement à l'eau courante, afin d'éviter d'éplucher, une grosse pomme de terre – ou deux moyennes –, par personne, et coupez en languettes de 2 cm2. Faites tremper les languettes quelques heures dans l'eau glacée, au frigo, pour enlever un surplus d'amidon. Une fois asséchées, plongez-les, avec deux ou trois gousses d'ail (ou plus) avec leur enveloppe, dans l'huile de maïs (ou d'olive) frissonnante, et laissez cuire à feu moyen pendant 20 min. Retirez les gousses d'ail et augmentez la chaleur au maximum. Les frites commenceront immédiatement à se colorer. Terminez la cuisson selon que vous les aimez dorées ou brunes (environ 10 min). Les frites ainsi traitées conservent leur tendreté à l'intérieur, et sont agréablement croustillantes à l'extérieur. Servez-les avec du sel et avec les gousses d'ail débarrassées de leur enveloppe, dont la texture est devenue crémeuse comme du beurre. Les Belges dégustent leurs frites avec une mayonnaise ou un ailloli. Essayez-les arrosées de jus de lime et saupoudrées généreusement de poivre du moulin.

Guadalajara de Buga

La légende veut que le Señor de Los Milagros (le Christ miraculeux), soit apparu en 1570 à une Indienne sur les rives du rio Guadalajara qui traverse Buga. Depuis cette apparition, Buga est devenue l'une des villes les plus visitées de l'Amérique latine, une Amérique ultra-catholique. C'est principalement une "ville sanctuaire", à cause surtout des nombreuses églises qu'on y trouve. Et, depuis 1959, la Ciudad Señora de Guadalajara de Buga est classée monument national en Colombie.

Un peu d'histoire

Fondée, en premier lieu, sous le nom de Nueva Jeréz de los Caballeros en 1555 par Giraldo Gil de Estupiñán – qui fut par la suite assassiné par les Pijaos –, Guadalajara de Buga n'est devenue une municipalité qu'en 1857, après quatre fondations successives dont une par el capitán Rodrigo Díez de Fuenmayor, en 1557, sous son nom actuel. Buga fut l'objet d'une dernière fondation en 1570, les précédentes installations étant toujours détruites par les Pijaos qui refusaient de laisser envahir leur territoire.

Située à 75 km de Cali dans une région d'éleveurs de bestiaux, Buga est aujourd'hui un immense sanctuaire baigné par le sacré qui côtoie la banalité quotidienne. Assez pour donner l'impression qu'on devrait garder le silence lorsqu'on déambule dans ses rues. À tout le moins se découvrir la tête en signe de respect.

Vouée entièrement à la religion donc, ce sont les touristes-pèlerins qui fréquentent les restaurants et qui envahissent les hôtels, certains établissements ayant même transformé en chapelle l'espace habituellement réservé au bar, et ce directement dans le hall d'entrée. Ils portent aussi des noms qui n'offrent pas de doute quant à leur... vocation : Hotel Los Angeles, Hotel Cristo Rey, Casa del Peregrino, etc.

Guadalajara de Buga est un immense sanctuaire. Ici, la Basílica del Señor de los Milagros.

Guadalajara de Buga aujourd'hui

Pour leur part, les Bugeños (près de 100 000) sont parfaitement adaptés à cette situation, et l'architecture de leurs maisons, de leurs hôtels, de leurs églises et de leurs places publiques en témoigne. On y retrouve en effet autant le style colonial que l'éclectisme propre à l'Art déco, qui a fait son apparition en 1924, avec l'inauguration du Parque de Bolívar et du Teatro Municipal, conçus par l'architecte Enrique Figueroa.

Comme la plupart des autres plazas de la ville, la Plazoleta de la Basílica, (en face de la Basílica del Señor de los Milagros, Calle 4, entre les Carreras 14 et 15) se transforme quotidiennement en un véritable centre commercial religieux en plein air. Des centaines de boutiques s'y disputent le droit de vendre aux nombreux passants, qui un Christ dont la main animée bénit, qui une Vierge dont l'auréole s'illumine, qui un scapulaire garantissant l'entrée aux cieux ou argent remis, qui encore la statue d'un saint en plâtre grandeur nature pour la pelouse. Ici, ce sont des collections d'icônes représentant toute la galerie des saints au complet. Ailleurs, ce sont des prières que l'on achète et qui garantissent aussi l'entrée directe aux cieux sans passer par un dédale de fonctionnaires. Plus loin, des cierges, des vêtements, des vases, des livres liturgiques entre autres. Pour les miracles, voyez la boutique spécialisée en face. Tout pour édifier le croyant ou pour racheter son âme de pauvre pécheur.

Des vendeurs du temples devant la Basílica del Señor de los Milagros.

En toute honnêteté faut-il admettre que ces marchandises – aussi ridicules puissent-elles paraître aux yeux de certains profanes –, sont souvent des pièces d'artisanat confectionnées à la main, et avec le plus grand soin. Elles font l'objet d'une vénération toute particulière chez les gens du troisième âge, l'un des groupes touristiques les plus représentés à Buga avec les congrégations religieuses. Inutile de préciser que Guadalajara de Buga est une ville sure et qu'on peut s'y promener seul à pied, jour et nuit, sans aucune crainte. Ça prendrait un véritable "miracle"... pour qu'un crime y soit commis.

Buenaventura

Santiago de Cali étant située à environ 1 000 m au-dessus du niveau de la mer, et Buenaventura directement sur la mer, à environ 125 km à l'ouest de Cali, il faut non seulement descendre pour y arriver, mais aussi traverser entièrement la cordillère Occidentale en empruntant l'Autopista Cali-Buenaventura. C'est l'une des plus belles routes de Colombie. Elle serpente autant au fond de vallées perdues – où apparaissent soudainement des petits villages qui se dessinent à la sortie d'une courbe, à mesure que s'estompent des poches de brume stagnantes – qu'à des hauteurs inimaginables, par-dessus des montagnes crénelées et verdoyantes. Elle traverse six tunnels percés à flanc de montagne, dont un d'environ un demi-kilomètre de longueur.

Buenaventura ne fera sans doute pas l'unanimité chez les touristes. En effet, et contrairement à ce que l'on pourrait s'attendre, cette ville portuaire est désavantagée par sa situation géographique sur la côte du Pacifique. Premièrement, Buenaventura n'est pas directement située sur l'océan mais dans une baie, la BahÌa de Buenaventura, qu'on n'aperçoit qu'au dernier moment, après avoir traversé la ville tout entière. Puis, c'est au tour de la baie de décevoir parce que, subissant les fortes marées du Pacifique, elle apparaît, à marée basse, comme un immense marais noir et boueux, rempli de détritus amenés par la mer. Le spectacle est navrant. Il est cependant naturel et personne n'y peut rien.

Un peu d'histoire

Buenaventura est le principal port de Colombie, d'où se manipule plus de 60% de toutes les importations et exportations du pays. Fondée le 14 juillet 1540, fête de San Buenaventura – d'où son nom –, par Don Juan Ladrilleros, sous les ordres de Pascual de Andagoya, venu en Amérique avec le découvreur du Pacifique, Vasco Núñez de Balboa, la ville a commencé son développement sur l'île de Cascajal, habitée alors par les Buscajáes. Puis, à la suite de la découverte de mines d'argent et de la présence d'or en abondance dans les cours d'eau de la région, les Espagnols firent venir des milliers d'esclaves africains de Cartagena de Indias pour exploiter ces gisements.

Épuisant rapidement ces richesses naturelles, les Espagnols se dispersèrent en laissant les esclaves noirs sur place. Leurs descendants forment maintenant la population de Buenaventura, qui se situe aujourd'hui à près de 250 000 habitants.

Vers 1878, l'ingénieur cubain Francisco J. Cisnero construisit un pont, le Puente El Piñal, qui réunit l'île de Cascajal à la terre ferme, où Buenaventura continua son développement. La ville fut entièrement détruite par le feu en 1881 et, en 1892, le feu détruisit encore la partie sud. Plus tard encore, en 1931, le feu détruisit tout son secteur commercial. Lentement, la ville se reprit en main et entreprit sa reconstruction.

La BahÌa de Buenaventura.

Buenaventura aujourd'hui

Depuis les dernières décennies, Buenaventura a subi plusieurs transformations, dont la plus importante est sans doute le revêtement des rues complété à environ 80% aujourd'hui. De plus, on a assisté à l'édification de parcs, de zones vertes et de terrains de jeu, tout en fait pour se donner une meilleure qualité de vie.

Mais impossible de se baigner à Buenaventura même, où la chaleur humide peut s'avérer un inconvénient majeur pour les visiteurs qui y sont sensibles.

Buenaventura n'offre pas beaucoup d'attraits touristiques, sauf ses plages. Mais l'atmosphère qui règne partout vaut à elle seule le déplacement. De plus, en saison, soit du mois de juin à octobre, on pourra y voir les baleines lors de leur migration. Il faut s'informer auprès des agences de voyages locales.

La Calle 1 (entre les Carreras 1a et 5) est l'une des plus belles avenues de Buenaventura : la ruta rosa, pourrait-on dire, qui s’étire sur moins d'un kilomètre. On y voit la baie de l'autre côté du Parque Colpuertos, et l'on y trouve des hôtels, des restaurants et des terrasses sympathiques. C'est ici que les Bonaverenses se retrouvent le soir pour se rafraîchir. Au coin de la Carrera 3a, il ne faut pas manquer les artisans qui vendent des bijoux et des vêtements de cuir directement sur le trottoir.

Une rue, Bunaventura

L'hôtel Estación est en soi un "monument historique" à Buenaventura.. Sa construction remonte à 1928, époque où l'on subit encore l'influence du style romantique de la fin du siècle. Il est l'œuvre de l'ingénieur bogotano Paulo Emilio Páez. On lui doit aussi le Palacio Nacional à Cali et la reconstruction de La Ermita, aussi à Cali. L'hôtel a appartenu longtemps à la Société nationale des chemins de fer colombiens (Ferrocarrils Nacionales, División Pac'fico), à laquelle il doit son nom d'Estación, d'autant plus qu'il est situé devant l'ancienne gare maintenant désaffectée. En peu de temps, l'hôtel devint le centre des activités et du commerce de Buenaventura, et il est aujourd'hui encore reconnu comme tel. Au début du siècle, Buenaventura était la porte d'entrée de la majorité des visiteurs au pays. C'était une époque de grandes splendeurs et de prospérité. Avec son élégance typiquement européenne, mais dont le style se retrouve aussi en Californie, l'hôtel organisait des bals avec orchestre, des concerts et des défilés de mode. Aujourd'hui, en y séjournant, on croit encore entendre des brides de musique de valse de la Vienne impériale. À la suite de la décadence du chemin de fer, l'hôtel perdit peu à peu son éclat, et la qualité de son service se détériora. En 1979 cependant, un groupe se forma pour faire revivre l'hôtel Estación de Buenaventura : il s'agit de la Federación Nacional de Cafetero, Hoteles Estelar, qui le dirige, Cortuvalle de même que la Corporación Nacional de Turismo. Aujourd'hui, l'Estación réapparaît dans toute la splendeur de la belle époque, avec ses longs escaliers blancs à rampes à barreaux tournés, ses larges balcons blancs, à colonnes et balustrade, aussi à barreaux tournés, ses restaurants avec vue sur la mer, ses chambres immenses et meublées avec goût, sa piscine invitante et toute l'atmosphère qui se dégage de ses salons et du lobby à aire ouverte, le tout donnant l'impression d'un décor spécialement conçu pour les besoins du film Fitzcarraldo (1982) du cinéaste allemand Werner Herzog, dont l'action se déroule aussi à la fin du siècle, dans cette partie du monde, à la belle époque des milliardaires du caoutchouc.

L'Hotel Estación est l'un des hôtels plus spectaculaires de toute la Colombie. On y trouve 71 grandes chambres et 4 suites confortablement meublées à la mode des années 1900. L'architecture et le décor de l'Estación rappèlent en effet toute la splendeur et la magnificence de la Belle Époque.

Buenaventura est la destination de vacances préférée de beaucoup de Vallecaucanos, qui trouvent plaisir à fréquenter les plages des environs. En effet, à partir du quai des touristes, le Muelle Turístico (angle Calle 1a et Carrera 2), on peut prendre une lancha (une chaloupe à moteur) pour se rendre aux nombreuses plages des environs. Un nouveau muelle turístico est en construction à moins de 100 m de celui en service aujourd'hui. Le nouveau quai est érigé au niveau de l'eau et en béton, et doit être inauguré en 1998. Celui utilisé au moment de notre passage était peu sécuritaire. Il était en effet construit en bois sur pilotis, à quelque 5 m au-dessus de la mer, sans garde-fou, avec des planches ajourées et pas toujours fixes. Pour ce qui est des lanchas réservées au transport de passagers, elles procurent un confort discutable, d'autant plus que l'on y accepte des marchandises. On offre un gilet de sauvetage et, dans ces conditions, il est préférable de l'endosser.

Ladrilleros et Juanchaco

La plage de Ladrilleros est située à environ 20 min à pied de la plage de Juanchaco, que l'on atteint après 45 min de voyage en mer (24 000 pesos). C'est ici qu'accostent les lanchas provenant de Buenaventura (les prix indiqués incluent l'aller et le retour) pour desservir les deux sites. Ce sont des villages de pêcheurs d'une seule rue en terre – Juanchaco s'étendant sur près de 5 km –, sur laquelle s'alignent des petites tiendas, de construction rudimentaire, où l'on peut manger, boire ou dormir en attachant son hamac. De Juanchaco, il est possible de prendre une lancha, via l'embouchure du río San Juan, pour visiter une petite communauté indigène formée par les Cholos et les Wuaunaná, qui vivent encore de façon traditionnelle.

La Bocana

La Bocana (15 000 pesos), à 25 min en lancha, au départ de Buenaventura, est aussi un pueblito qui propose une suite de tiendas, accolées les unes aux autres, et quelques hôtels fréquentés par les Caleños en vacances.

Une rue, La Bocana

Cangrejos

À 15 min seulement de Buenaventura, Cangrejos (7 000 pesos), à son tour, propose uniquement sa plage et son club privé où , pour 35 000 pesos en occupation double, il est possible de passer la nuit dans un des douze cabañas genre motel, ce prix incluant trois repas. Tranquillité assurée, excellente cuisine – cangrejo signifie écrevisse –, et coucher de soleil magnifique sur le Pacifique.

Aucune de ces plages n'est particulièrement attrayante, selon les standards habituels, puisque le sable y est noir et que les fortes marées du Pacifique y laissent beaucoup de détritus et de saletés qui surgissent de la boue, à marée basse, et dont la provenance est trop souvent humaine : sacs de plastique, canettes, etc. Les Vallecaucanos ne s'en formalisent pas outre mesure et trouvent ces endroits idéals pour "foirer", pour s'éclater les fins de semaine. Ici en effet, c'est le farniente dans toute sa splendeur qui prend rapidement le dessus, et tout est prétexte à la fête. La musique est omniprésente d'une tienda à l'autre, mettant surtout en vedette le reggae, la salsa et les autres musiques à la mode en Colombie et ailleurs. La bière, le rhum et l'aguardiente coulent à flots, ce qui réchauffe les tempéraments et incite à la danse jour et nuit.

Ici, aucun problème pour se restaurer ou pour dormir, toutes les tiendas faisant aussi office de restaurants et d'auberges en même temps. On y trouve naturellement les poissons et les fruits de mer les plus frais du département, capturés la journée même par les pêcheurs qui pratiquent encore le métier, les autres s'étant convertis au tourisme. Ici par exemple, à une petite terrasse sous les palmiers, sur une table de bois posée sur le sol en sable... des langoustes. Combien? Cinq langoustes! Combien? 5 000 pesos! soit moins de 5 $US. Qui dit mieux? La patronne suggère avec un large sourire que la langouste est un aphrodisiaque infaillible. Lui laissant entendre que je n'ai aucun besoin d'excitant pour "la chose", elle répétera ma protestation à ses voisines de terrasse, qui se mettront à rire et à danser en se tapant sur les cuisses et en me faisant des clins d'œil lubriques, le tout en s'amusant fermement. Le party, quoi!

Cinq langoustes pour moins de 5 $US.

SOURCE : Les guides ULYSSE/COLOMBIE

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