ZIPAQUIRÁ

LA LAGUNA DE GUATAVITA

Zipaquirá

La petite ville coloniale de Zipaquirá, à environ une heure de route et à quelque 50 km de la capitale Bogotá, compte près de 85 000 habitants et est l'une des agglomérations les plus anciennes de Colombie.

Un peu d'histoire

Zipaquirá a, en effet, été fondée le 18 juillet 1600 par Luis Enríquez. Les premiers Espagnols arrivés sur les lieux y rencontrèrent une population indigène installée un peu à l'ouest du site actuel, et dont le village se nommait Chica-Quicha. À l'usage, les Espagnols ont rapidement transformé ce nom en "Zipaquirá". En langue chibcha, Chica-Quicha signifie "pied de chica", chica étant probablement la montagne de sel.

Zipaquirá aujourd'hui

Si Zipaquirá est l'une des petites villes les plus prospères du Cundinamarca, à cause de la mine de sel toujours en exploitation, et des retombées économiques directes et indirectes de celle-ci, la ville est aussi un centre d'artisanat reconnu. En ce sens, il faut visiter sa Plaza de Mercado pour en admirer la production. On peut y acheter, entre autres choses, des tissus de laine, des figurines religieuses, des cendriers, des vases et des candélabres en céramique, en bronze et en d'autres matériaux, ainsi que des sculptures en marbre ou en bloc de sel provenant de la mine. Mais c'est surtout la visite de la Catedral de Sal qui s'impose.

La Catedral de Sal

La Catedral de Sal est une merveille. Une première cathédrale avait été érigée au sein même de la mine de sel par les mineurs dès 1954 sous la direction de l'architecte José María González Concha. Menacée de s'effondrer, elle fut fermée en 1992 pour raison de sécurité. De concert avec l'Instituto de Fomento Industrial, la Sociedad Colombiana de Arquitectos et la Corporación Nacional de Turismo, on décida d'en construire une autre, et le travail fut alors confié à l'architecte Roswell Garavito Pearl, avec la participation de Jorge Enrique Castelblanco à la direction technique. Inaugurée le 16 décembre 1995, elle est la quintessence même de l'ingénierie et de l'art mettant en opposition sculptures, jeux d'ombres et de lumières, et allégories. Même si la religion n'est pas votre tasse de thé, il faut convenir que cette cathédrale majestueuse, immense, construite à même les parois de la mine de sel à quelque 200 m sous terre a de quoi époustoufler les plus blasés. La cathédrale, qui couvre 8 500 m2 est divisée en trois sections : le chemin de la croix, la coupole et le narthex surmonté d'un jubé, et finalement la grande salle. Pour mieux comprendre l'envergure de l'œuvre, des guides accompagnent les visiteurs en groupe d'une dizaine de personnes. Ils offrent des explications complètes en plusieurs langues. Le service est bénévole et assuré par des étudiants qui acceptent les pourboires (un minimum de 1 000 pesos par personne est conseillé, mais la visite en vaut assurément le double et même plus).

Une des stations du Chemin de croix de la Catedral de Sal.

Le chemin de la croix, dans l'une des galeries principales, est constitué de petites chapelles où est sculptée, à même des colonnes de sel, chacune des 14 stations, qui sont une représentation allégorique de la Passion du Christ, avec toujours la croix grandeur nature comme leitmotiv. Dépendant de la dimension, de la position ou de l'éclairage de la croix, le visiteur comprend le message sous-entendu. Judicieusement mises en valeur par un jeu de lumières indirect, les stations sont toutes des œuvres d'art en soi, et il s'en dégage une impression de grandiose, de sacré, de divin indiscutable. Le guide invitera à gratter la paroi de la galerie du doigt, laquelle goûte effectivement le sel.

La Création du Monde sculptée dans le sel, d'après l'œuvre de Michel-Ange.

La fresque de M Michel-Ange, telle qu'elle apparaît sur la voûte de la Chapelle Sixtine, à Rome.

Sculptures en sel de la Catedral de Sal.

Dans la partie intermédiaire, on peut admirer une immense croix de 16 m de hauteur sur 10 m de largeur et ce, d'une distance de plus de 150 m. De ce point de vue en contre-plongée, on jurerait que l'œuvre est un gigantesque bloc de sel suspendu ou même flottant dans un nuage céleste. Il n'en est rien. La croix, d'une blancheur immaculée, est gravée en bas-relief à même la paroi dans un mur de sel bleuté par un éclairage indirect, alors que le restant du mur, d'un noir de jais, prend sa couleur de l'impureté du sel non encore raffiné. L'effet est tout simplement ahurissant, mystique même.

La partie centrale est constituée du presbytère, de l'autel principal et de la grande nef, au centre de laquelle apparaît une sculpture de marbre, La création du monde de l'artiste Carlos Enrique Rodríguez Arango, inspirée de la scène de la chapelle Sixtine à Rome, peinte par Michelangelo Buonarroti (Michel-Ange). Par ailleurs, on doit au sculpteur zipaquireño Miguel Sopó la statue représentant la Sainte Famille et au sculpteur italien Ludivico Consorti la statue de la Vierge.

La nef est flanquée de quatre immenses colonnes de 8 m de diamètre, qui représentent les quatre évangélistes, et de deux énormes blocs de sel, la Vie et la Mort, traversés par un interstice, soit une sorte de passage étroit qui constitue une autre allégorie à la difficulté de vivre de la naissance à la mort.

La cathédrale peut recevoir quelque 800 fidèles. On peut assister à la messe tous les dimanches et jours de fête, et l'on y célèbre même des baptêmes et des mariages.

Guatavita

Le trajet vers la Laguna de Guatavita passe aussi par la route panoramique Carretera central del Norte en direction cette fois de Sesquilé. à quelques kilomètres de ce petit village, à un croisement, une route en direction des montagnes mène vers la laguna. N'étant pas asphaltée sur plus de 15 km, il vaut mieux éviter de s'y aventurer les jours de pluie.

La Laguna de Guatavita

La Laguna de Guatavita est troublante. C'est ici en effet, à plus de 3 200 m d'altitude qu’est née la légende de Guatavita, le cacique muisca qui se rendait en barque au milieu du lac couvert de poudre d'or et qui jetait dans ses eaux des émeraudes et des pièces d'or pour apaiser la colère du démon. C'est principalement la recherche de ce trésor fabuleux qui motiva les conquistadores à pénétrer à l'intérieur d'un pays au climat et aux populations inhospitaliers. Lorsqu'ils parvinrent enfin à l'emplacement de la lagune, ils ne purent en croire leurs yeux. En effet, la Laguna de Guatavita est une petite étendue d'eau circulaire de moins d'un kilomètre de diamètre qui apparaît soudain, à la suite d'une longue escalade, comme un bijou enchâssé dans le chaton d'une bague. Elle s'étend au fond d'une bouche de volcan, et ses eaux immobiles sont d'un vert profond et mystérieux. Comme aucune vaguelette, aucune ride n'en perturbent la surface, on dirait une gigantesque émeraude sertie dans la crête des Andes.

Les Espagnols le crurent. En voyant ces lieux mystiques des Indiens muiscas, ils furent convaincus en effet que la couleur du lac était le reflet du contenu de ses fonds et que la lagune débordait d'émeraudes et de pièces d'or. À maintes reprises, ils tentèrent d'en extirper les trésors, allant même jusqu'à l'assécher. La lourde tâche incomba aux Indiens, et plusieurs y laissèrent leur vie. La faille creusée à même la paroi de la montagne pour permettre l'écoulement des eaux donne aujourd'hui accès plus facilement au lac, dorénavant protégé par le gouvernement. Plus aucune fouille n'y est aujourd'hui autorisée. Un lieu du reste fascinant par sa légende et son histoire. Une excursion unique dans la nature et dans le temps. Un pèlerinage en plein occultisme dans la cordillère des Andes.

La Laguna de Guatavita est troublante. Comme aucune vague, aucune ride n'en perturbe la surface, on dirait une gigantesque émeraude sertie dans la crête des Andes. Les conquistadores le crurent…

La Laguna de Guatavita : un lieu fascinant par sa légende et son histoire. Une excursion unique dans la nature et dans le temps. Un pèlerinage en plein occultisme dans la cordillère des Andes.

El Dorado

La Laguna de Guatavita, à une cinquantaine de kilomètres de Bogotá, a probablement déclenché toute la conquête de l'Amérique du Sud, celle de la Colombie assurément. Dès les premiers débarquements en effet, les conquistadores entendent parler de l'El Dorado. Ils se mettent alors sur-le-champ et sans relâche à la recherche du site du fameux lac de la légende pour mettre la main sur les trésors qu'il contient. Des centaines d'expéditions parcourent l'Amérique du Sud en tous sens pendant plus d'un siècle – la légende de l'El Dorado est en effet connue même jusqu'à Quito, en Équateur, à plus de 700 km de Bogotá –, pour envahir des contrées infestées de jaguars, d'alligators et de serpents tout en bravant la faim, la maladie et les anthropophages. La Laguna de Guatavita est enfin identifiée vers 1580, alors qu'on découvre une nappe d'eau couleur émeraude qui sommeille au fond d'un cratère. N'y trouvant la moindre parcelle d'or sur les rives, les Espagnols commandés par Antonio de Sepúlveda, forcent alors les Indiens à creuser une brèche dans la montagne pour assécher le cratère. L'énormité de la tâche laisse encore aujourd'hui pantois. Les Espagnols ne s'y seraient jamais attelés sans l'aide de la main-d'œuvre autochtone gratuite... à portée de fusils.

D'abord, il fallait détourner les eaux qui alimentaient le lac. Puis, une brèche fut creusée pratiquement à mains nues dans la montagne même par les Indiens, peu habitués aux travaux forcés, et qui y laissèrent quantité de vies humaines. L'ouverture permit de vider une partie du lac, à la satisfaction momentanée des Espagnols. Ils y trouvèrent effectivement de l'or et même des émeraudes dont l'une de la taille d'un œuf de poule.

Les travaux sont toutefois abandonnés à la suite d'un affaissement de terrain, mais la brèche est encore bien visible aujourd'hui. Elle facilite d'ailleurs l'accès de la lagune aux visiteurs.

Vers 1625, des mineurs obtiennent encore la permission du roi d'Espagne de drainer le lac. On creuse des tunnels et des galeries dans les parois et, à chaque fois, on trouve de l'or. Mais jamais en assez grande quantité pour satisfaire les entrepreneurs. Plus tard, en 1801, le baron allemand Alexander von Humboldt, voyageur et naturaliste, entreprend de nouvelles fouilles et découvre des marches taillées à même le roc qui, selon sa déduction et en se basant sur la légende de l'El Dorado, devaient servir au rituel de l'intronisation d'un nouveau cacique. En 1823, c'est un Colombien nommé José Ignacio París qui entreprend à son tour de nouvelles fouilles. Mais il doit aussi abandonner ses recherches après l'affaissement de son tunnel creusé sous le lac.

L'obsession des chercheurs d'or se tourne alors vers la Laguna Seicha, un lac de dimensions plus modestes à proximité de la Laguna de Guatavita. En 1856, on y perce un canal qui permet l'écoulement d'une partie des eaux, et l'on y découvre quelques objets d'or dont une pièce représentant un homme debout sur un radeau jetant des pièces d'or dans l'eau : la Balsa Muisca. Cette pièce est actuellement exposée au Museo del Oro de Bogotá. En 1870, on entreprend encore de nouvelles fouilles. La fin tragique de deux hommes affectés au creusage d'un tunnel met cependant fin à l'aventure.

En 1904, Contractors Limited, une firme britannique, réussit à drainer complètement la laguna de Guatavita. On y découvre encore une fois toutes sortes de bijoux en or dont des colliers, des ornements de nez, que l'on vend aux enchères à Londres pour payer les commanditaires. Après de nombreux déboires dont une nouvelle inondation du lac qu'on venait à peine d'assécher, la compagnie abandonne la partie. Pendant plus de 50 ans par la suite, des milliers d'aventuriers de tout acabit tenteront avec des succès mitigés de s'emparer du trésor de la lagune jusqu'à ce que, en 1965, le gouvernement colombien le déclare monument historique et donc lieu inviolable.

SOURCE : Les guides ULYSSE/COLOMBIE

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